Gilets jaunes : « On ne fêtera pas Noël cette année », une
réflexion de Mgr Jacques Noyer
Publiée dans La Croix le 13/12/2018 : Ordonné en 1950 pour le
diocèse d’Arras et évêque émérite d’Amiens, Mgr Jacques Noyer a toujours
été proche des milieux populaires. Il a publié ce texte lundi 3 décembre
sur Facebook.
Dimanche
2 décembre 2018, au petit matin. J’ai trouvé ! J’ai trouvé ce que l’Église
de France devrait dire devant cette insurrection des fins de mois que nous
connaissons. Elle devrait annoncer qu’on ne fêtera pas Noël cette année. Le
25 décembre sera un jour comme un autre. Rien dans les églises : pas
d’office, pas de crèche, pas d’enfants. On va revenir aux dimanches ordinaires
car l’Avent n’aura pas lieu.
Elle dira
que notre peuple n’est pas dans un état d’esprit qui lui permet de fêter Noël.
Le cri de désespoir qui le traverse est incompatible avec le mystère de Noël,
avec l’espérance de l’Avent, avec l’accueil d’un enfant étranger.
Je suis
peut-être vieux jeu mais je me souviens des Noël de mon enfance. Il n’y avait
pas que les fins de mois qui étaient difficiles. Mais à Noël, on oubliait tout
pour se réjouir de ce qu’on avait. Les familles les plus modestes se retrouvaient
avec le peu qu’elles avaient. Dans la nuit, les pauvres se sentaient riches du
toit sur leur tête, du repas amélioré de leur assiette, de la bûche
supplémentaire qui chauffait la maison et surtout de la chance d’avoir un papa,
une maman, des frères et sœurs qui s’aimaient.
On
échangeait des petits riens qui étaient pleins de choses. On allait voir le
Jésus de la Crèche, l’enfant démuni, étranger, dont la seule richesse était
l’amour que nous lui manifestions. Et on prenait conscience qu’il y avait plus
pauvres que nous, des ouvriers sans travail, des enfants sans papa, des
familles sans maison. Et s’il restait un peu de gâteau, on allait en donner une
part au voisin malheureux.
Qu’on
rappelle à notre société qu’il y a des pauvres qui ont difficulté à vivre,
voilà qui va bien à Noël. Qu’on dise aux nantis que les pauvres ont des droits,
qu’on redise le projet d’un monde plus juste pour tous, voilà qui s’accorde
bien à Noël.
Mais ce que j’entends, n’est pas l’amour des pauvres, le souci de ceux qui n’ont rien,
l’amour qui appelle au partage et à la justice. J’entends une population qui a
peur de devenir pauvre, une population qui n’aime pas les pauvres. Tout le
monde se dit pauvre pour avoir le droit de crier ! Les pauvres riches sont
obligés de quitter le pays puisqu’on les gruge. Les pauvres pauvres ferment
leur maison à plus pauvres qu’eux. J’ai connu un pays pauvre qui se pensait
assez riche pour accueillir le pauvre. Je vois un pays riche qui se dit trop
pauvre pour ouvrir sa porte à moins riche que lui.
Voilà sans
doute bien des années que Noël est devenu le lieu de cette mutation. On invite
l’enfant à désirer tous les biens de la terre et il se croit tout-puissant
jusqu’au moment où la limite de l’appétit ou de l’argent va faire de lui un
frustré. On voulait en faire un riche comblé et il se retrouve un pauvre déçu.
Le Père Noël est devenu beaucoup trop riche et ne peut plus s’arrêter à l’étable où vient de
naître l’Enfant-Dieu. Il me vient l’envie de lui arracher la barbe et de
bloquer son traîneau au carrefour ! Pardon, je deviens violent. Empêchez moi de
faire un malheur !
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